Crocodiles by Philippe Djian

Crocodiles by Philippe Djian

Auteur:Philippe Djian [Djian, Philippe]
La langue: fra
Format: epub, mobi
Tags: Fiction, Juvenile Nonfiction, House & Home, Animals, Beginner, Readers, Nature, Interior Design, Literary, General, Architecture, Decorating, Reptiles & Amphibians
ISBN: 9782736001025
Éditeur: Barrault
Publié: 1989-03-14T23:00:00+00:00


Crocodile

J’avais soixante-dix ans et je vivais seul dans une grande maison, suffisamment éloignée de la ville. Je n’écrivais plus. Je passais mon temps à lire ou à regarder les choses ou bien Gabriel venait me chercher et nous descendions jusqu’à la rivière pour trucider quelques poissons avant que ce ne fût notre tour. Je n’avais pas de femme, pas d’enfant et je ne regrettais rien, d’ailleurs les occasions ne s’étaient jamais réellement présentées. La solitude m’avait toujours semblé être un fardeau naturel et finalement bien moins terrible qu’on se l’imaginait. Je n’attendais plus rien de la vie. La mort ne m’effrayait pas. Il me restait quelques bons livres sous la main et il y avait encore de beaux saumons en perspective, mais rien qui ne me retenait vraiment. Cette idée que ma dernière heure approchait n’éveillait aucune amertume en moi. Je n’étais pas pressé mais je ne souhaitais aucun sursis. Je n’aurais pas su qu’en faire.

Ma vie avait été bien remplie. J’avais parcouru le monde entier et mon orgueil s’était satisfait des honneurs que j’avais amassés pour avoir écrit quelques livres. Toutes les portes s’étaient ouvertes devant moi. Grâce à la magie de la littérature, j’avais eu de nombreuses et superbes maîtresses, de quoi rendre jaloux n’importe quel acteur en vogue, pour peu que son tempérament l’inclinât vers les femmes. L’argent n’avait jamais manqué. Qui plus est, la nature m’avait doté d’une santé remarquable et tout au long de ma vie, mon corps s’était comporté comme une machine docile et infatigable dont j’avais amplement profité. Il n’y avait rien que je n’eusse désiré ici-bas sans l’avoir obtenu. A présent, je n’étais plus qu’un vieil homme. Que le sort, à coup sûr, avait infiniment comblé, mais il n’en restait pas moins que l’existence — et Dieu sait qu’aucune aigreur ne me dictait ces mots — ne m’avait pas laissé un goût impérissable. Tout ceci me semblait un peu vain.

Puis il y eut cet accident, un matin de février. Il avait neigé durant la nuit et au matin, une brume épaisse était tombée jusqu’au ras du sol et l’on n’y voyait pas à plus de quelques mètres devant soi. J’avais songé un instant à différer ma sortie, n’ayant d’autre obligation pour mettre le nez en ville que la résistible emplette de Sport & Pêche, et The In-

Fisherman que l’on commandait exprès pour moi, mais c’était par de ces misérables petits atermoiements que la vieillesse — mes cheveux étaient déjà tout blancs — se manifestait et me navrait par-dessus tout. J’enfilai donc mon manteau, et sans plus attendre, m’en allai ouvrir la porte du garage.

La neige n’était pas trop abondante. En revanche, il sévissait un brouillard lumineux, d’un jaune violacé et aussi dense que de la poudre, parfaitement exécrable. N’était que l’inhaler procurait une sensation déplaisante, que j’allais bientôt juger prémonitoire. Mais je haussai les épaules, il n’était plus question de reculer à présent, renoncer m’aurait été fatal pour le restant de la journée.

Je rangeai l’Austin Healey sur le bord de la route, le temps de refermer le portail du jardin.



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